« HeForShe» au cœur de la savane ivoirienne : des leaders communautaires et religieux engagés pour la cause des femmes et des filles

Compte tenu du contexte actuel de la cote d’Ivoire, le renforcement du rôle de la femme dans les questions liées à la paix et la sécurité ; la planification et la budgétisation sensibles au genre ainsi que la coordination de l'action du système des Nations Unies sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont adressés de façon transversale. C’est dans ce cadre qu’ONU Femmes, avec le concours financier du gouvernement du Japon, conduit un projet visant à « anticiper et à prévenir la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles face au terrorisme grâce à leur autonomisation, au dialogue communautaire et à l'éducation dans le Nord de la Côte d'Ivoire ».

Date:

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Lamine SY chargé de la supervision avec CARITAS, Membre du comité de protection du projet, Représentant administratif de l’Imam de la grande mosquée d’Odienné et Président de la Commission Nationale des droits de l’homme région Kabadougou.

Que pensez-vous du projet dans lequel vous êtes impliqué ? 

J’étais très heureux lorsque j’ai entendu parlé du projet. Le Kabadougou et le Folon étaient sélectionnés mais finalement le Folon a été retenu. Cela est une bonne chose car les femmes du Folon étaient un peu laissées pour compte. La plupart des projets restaient à Odienné. Les projets mourraient souvent avant même de démarrer à cause du manque d’engagement des populations. Aujourd’hui, je remercie Dieu que le Folon ait été choisi. Ici, il ya un véritable engagement au niveau des femmes et des leaders communautaires qui sont vraiment impliqués.

Pensez-vous que ce projet peut apporter un changement ?

Oui, ce projet peut changer les choses s’il est bien suivi. Il va beaucoup aider les populations surtout les femmes. En effet, les femmes ne bénéficient pas de certaines formations donc, quand un projet démarre, elles n’ont pas la technique pour le mener à bien. Mais, avec le système que nous avons mis en place : formations sur la comptabilité simplifiée, tenue de cahiers et caisse, les femmes savent comment gérer les finances et sont bien orientées.

Depuis combien de temps travaillez-vous avec les femmes ?

Depuis 2006, je travaille avec les femmes notamment sur les questions des droits de l’homme et de relèvement communautaire. Pour le projet de l’ONU Femmes, près de 500 femmes sont encadrées. Les femmes viennent écouter lorsqu’il ya des séances de sensibilisation. Même celles qui ne sont pas des bénéficiaires directes bénéficient également de notre accompagnement. C’est notre devoir de leur faire connaitre leurs droits.

Les femmes comprennent t-elles tous les aspects du projet ?

Au début, ce n’était pas évident. Elles ne voyaient que le volet activités génératrices de revenus (AGR)mais, avec les formations et les sensibilisations, les femmes commencent à comprendre les autres volets : Violences Basées sur le Genre, instabilité…  Elles se rendent compte qu’il ne s’agit pas seulement de faire des activités et gagner de l’argent. Il faut pouvoir maintenir un climat de paix et de sérénité pour pérenniser les acquis.

La région du Nord est réputée pour la pratique de l’excision, qu’en est -il réellement ?

Cette pratique était courante dans cette zone de la Côte d’Ivoire mais, depuis 2007 la situation a changé. Les gens comprennent que l’excision n’est pas un principe religieux comme ils le croyaient. Elle était pratiquée car la majorité pensait que l’Islam demandait cela mais, cela n’est pas écrit dans le coran. La religion ne s’impliquant pas dans l’excision, ces personnes ont abandonné la pratique.

Quelle est la difficulté principale que vous avez rencontrée avant d’atteindre ce résultat ?

A certain moment, les femmes avaient changé de techniques. Les exciseuses venaient dans la maison comme si elles rendaient une visite de courtoisie, elles rentraient dans la chambre ou la fille préalablement préparée attendait. Elles excisaient incognito et sortaient tranquillement. Lorsque cela a été découvert, nous avait expliqué aux femmes les dangers que cette pratique engendrait pour l’avenir de la jeune fille. L’on nous avait demandé de sensibiliser les exciseuses mais nous avons changé de stratégie en sensibilisant les populations, les familles. Car, « sans clients, le commerçant est obligé d’abandonner sa marchandise ». C’est ce qui a donné les résultats que nous avons aujourd’hui. Il ya eu des conversions et des exciseuses ont déposé des couteaux. A ce jour, nous pouvons dire qu’on entend plus parler de l’excision dans notre région.

A part l’excision quelle est la situation en ce qui concerne les autres Violences Basées sur le Genre (VBG) ?

Les cas des femmes battus existent en faible pourcentage mais, les sensibilisations continuent. Cela n’est pas également mentionné dans le coran comme le disent certains. L’imam l’a bien expliqué lors de la rencontre tout à l’heure. L’islam demande de prendre soin de la femme, de communiquer avec elle. Si tu dois la battre et que ni son bras, ni sa jambe ne doivent être cassés, si elle ne doit avoir mal nulle part, cela signifie qu’il ne faut absolument pas la violenter. Cela est claire.

La scolarisation des filles s’améliore mais nous mettons l’accent sur le maintien de la jeune fille à l’école. Une chose et de la scolariser, l’autre est de la maintenir. C’est une bataille que nous menons en ce moment. Le mariage précoce est en train de disparaitre lentement. Puisque les leaders religieux (les imams) s’impliquent, les fidèles comprennent que le mariage précoce et le mariage forcé ne sont pas recommandés. Maintenir les filles à l’école va définitivement mettre fin au mariage précoce. C’est notre nouvelle stratégie. Si un parent scolarise sa fille et désire la maintenir à l’école, il mettra tout en œuvre pour atteindre ces objectifs et le mariage ne sera pas à l’ordre du jour.

Confirmez-vous que l’implication des leader religieux est liés à la disparition de certaines formes de VBG?

Effectivement, l’implication des imams a quelque chose à voir avec la baisse du taux des VBG.

Quel serait votre message à l’endroit des leaders religieux qui ont des avis différents de vôtres sur les questions évoquées plus haut ?

Je leur demanderai de bien voir dans les textes religieux. Ces textes font véritablement la promotion de l’être humain et spécialement de la femme. Qu’ils s’imprègnent de ces textes pour conduire leurs prêches. Cela va leur permettre de résoudre beaucoup de problèmes.

Car, les populations regardent beaucoup les leaders religieux et les écoute. Lorsqu’ils posent des actes, ils disent : « C’est l’Iman même qui a dit …). Je demande aux autres imans de s’impliquer dans la protection des droits de la femme comme l’Islam l’a dit, de ne pas lire le texte selon leur convenance mais de les lire exactement selon l’esprit du texte. Cela va nous éviter beaucoup de problèmes.

Selon vous, quel sera l’état d’avancement du projet dans deux à trois mois ?

Je pense que les femmes vont répondre positivement à notre appel. Il ya déjà un groupement qui a commencé à rembourser et cela ne fait même pas deux mois qu’elles ont reçu les fonds. Elles sont au travail ! D’ici la fin du projet, nous aurons d’agréables surprises !