Fuyant Boko Haram, des femmes cherchent l’apaisement et la résilience économique dans des camps au Niger

Au Niger, la région du Diffa, limitrophe du Nigéria, abrite plus de 300 000 réfugiés ayant été chassés de leurs foyers par des massacres, des enlèvements et des viols par les militants de Boko Haram. Les femmes et les enfants représentent 70 % des personnes déplacées, et elles ont été victimes de violence sexuelle généralisée. Les femmes réfugiées et victimes n’ont aucun moyen d’obtenir des revenus. ONU Femmes et le HCR travaillent en partenariat avec des organisations locales pour s’assurer que l’intervention humanitaire réponde à ces besoins spécifiques et aux risques auxquels font face les victimes.

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Au Niger, la région du Diffa, limitrophe du Nigéria, abrite plus de 300 000 réfugiés ayant été chassés de leurs foyers par des massacres, des enlèvements et des viols par les militants de Boko Haram. Les femmes et les enfants représentent 70 % des personnes déplacées, et elles ont été victimes de violence sexuelle généralisée. Les femmes réfugiées et victimes n’ont aucun moyen d’obtenir des revenus. ONU Femmes et le HCR travaillent en partenariat avec des organisations locales pour s’assurer que l’intervention humanitaire réponde à ces besoins spécifiques et aux risques auxquels font face les victimes.

Date : vendredi 20 octobre 2017

Femmes travaillant dans l’espace de cohésion dans le camp de réfugiés de Sayam Forage dans la région de Diffa, au Niger.
Femmes travaillant dans l’espace de cohésion dans le camp de réfugiés de Sayam Forage dans la région de Diffa, au Niger. Photo: REJEA – Niamey

À l’âge de 17 ans, elle a perdu son mari. Raoudi Abdulay se rappelle avoir été chassée avec son enfant de 10 mois de son village natal au Nigéria par les combattants de Boko Haram, après que les militants aient tué son mari : « Ils nous ont tous rassemblés dans la mosquée, les hommes à l’intérieur et les femmes sous le hangar à l’extérieur... ». Abdulay ne pouvait pas voir ou entendre ce qui se passait à l’intérieur, mais elle a compris que son mari ainsi que 11 autres hommes avaient été exécutés.

« Ils ont dit que nous étions tous des non-croyants, et ils ont accusé les coupables de collusion avec l’armée gouvernementale », a-t-elle expliqué. « Le verdict a été que les coupables devaient être exécutés sur-le-champ ».

Le lendemain matin, Abdulay et sa sœur ont enterré son mari et se sont enfuies dans un camp de réfugiés situé à Assaga, au Niger, dans le sud-est du pays. Là, elles ont trouvé de la nourriture, de l’eau et un centre de santé, mais aucun moyen de gagner leur vie.

Au cours des trois dernières années, plus de 100 000 femmes et filles fuyant les violences perpétrées par Boko Haram au Nigéria ont trouvé refuge dans des camps au Niger. Cependant, à leur arrivée, les femmes victimes se retrouvent souvent piégées dans un cycle de pauvreté. Elles n’ont souvent pas de biens leur appartenant, et 70 % des femmes réfugiées n’ont pas accès à des activités génératrices de revenus, parce que l’aide humanitaire accorde rarement la priorité aux possibilités d’emploi pour les femmes.

Dans le cadre d’une initiative conjointe d’ONU Femmes et du HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) en partenariat avec l’ONG Appui au Développement, les femmes victimes se trouvant dans les camps de Gagam, Kitjandi, Kablewam et Boudouri pour personnes déplacées dans leur propre pays ainsi que celles du camp de réfugiés de Sayam Forage reçoivent non seulement de quoi subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, mais également un soutien pour créer et exploiter leur propre entreprise.

Grâce à cette initiative, généreusement financée par le Gouvernement du Japon, les femmes victimes reçoivent une formation sur la gestion d’une microentreprise et des fonds pour son démarrage à travers l’ASSUSU, une institution de microfinancement. À ce jour, 350 femmes ont lancé leur propre entreprise et ont utilisé les revenus qu’elles ont perçus pour améliorer la santé et le bien-être de leurs familles.

Objets produits par des stagiaires de la formation professionnelle.
Objets produits par des stagiaires de la formation professionnelle. Photo: REJEA – Niamey

Saratou Ourmane, du camp de réfugiés de Sayam Forage, a bénéficié des formations relatives au microfinancement et à la gestion d’une entreprise. Aujourd’hui, elle vend des céréales et des épices.

« Après sept mois de soutien apporté par ADL et ONU Femmes, j’ai maintenant 20 sacs de maïs et cinq sacs de mil dans ma banque céréalière, et plus de 50 000 FCFA (environ 89 dollars US) dans mon compte d’épargne. Après chaque vente, je partage le bénéfice en trois parts, comme on nous l’a enseigné au cours de la formation à la gestion. Je mets une partie dans mon compte d’épargne, une autre partie dans mon entreprise et la troisième partie me permet de soutenir ma famille. Aujourd’hui, nous avons une vie stable et nous ne dépendons plus de personne. Mes enfants sont heureux maintenant », explique Ourmane. Cinq de ses sept enfants vont désormais à l’école régulièrement.

La plupart des femmes fuyant Boko Haram ont été traumatisées par la violence physique et sexuelle. Elles vivaient dans des milieux où l’inégalité entre les sexes conduisait à la normalisation de la violence et à la discrimination contre les femmes et les filles au quotidien. Dans les camps et les communautés d’accueil, il y a un besoin urgent d’aide psychosociale aux victimes.

Ariram Moustapha, maintenant âgée de 20 ans, était enceinte de trois mois lors de sa deuxième grossesse quand des combattants de Boko Haram ont envahi son village. « J’étais en train de faire le ménage lorsque j’ai entendu des voix... et soudain, j’ai vu cinq personnes cagoulées, armées jusqu’aux dents, encercler notre maison. J’ai couru me cacher dans la chambre, mais j’ai été attaquée », se rappelle Moustapha.

Moustapha est l’une des 5 000 personnes (hommes et femmes) qui reçoivent un soutien psychosocial dans les camps de la région de Diffa, où ONU Femmes apporte son soutien. Dans « les centres de cohésion sociale » (des espaces sûrs), les victimes rencontrent un psychologue tous les jours. Elles ont également accès à des services de protection, tels que la sensibilisation à leurs droits, leur orientation vers des centres de santé afin d’y recevoir des traitements supplémentaires, de la formation professionnelle et la protection de la police.

« Travailler avec des femmes déplacées n’a pas été facile, en raison de l’insécurité qui persiste », déclare Béatrice Eyong, directrice du programme d’ONU Femmes au Niger. Elle ajoute : « Cependant, voir renaître l’espoir chez celles qui avaient perdu tout espoir a été une expérience enrichissante. Le projet a permis d’aider plus de 5 000 personnes dans cinq camps pour réfugiés et personnes déplacées dans la région de Diffa. La mise en place d’activités génératrices de revenus à travers la vente de divers produits a directement bénéficié à 350 femmes venant de ménages dirigés par des femmes et des hommes, et des systèmes d’alerte précoce pour prévenir la violence basée sur le genre ont également été mis en place dans les camps ».

Maimouna Seyni Yayé.
Maimouna Seyni Yayé. Photo: REJEA – Niamey

Le programme appliqué au Niger fait partie de l’accroissement des efforts d’ONU Femmes pour attirer l’attention générale sur l’égalité des sexes en tant qu’aspect essentiel de la prévention et de la réponse à la violence extrémiste. Ces dernières années, on a assisté à une augmentation considérable de l’extrémisme violent dans le monde, et la terreur déclenchée par Boko Haram a placé le Nigeria parmi les cinq pays les plus touchés dans l’Indice du terrorisme mondial 2016. Plaçant les femmes au centre des préoccupations en matière de paix et de sécurité, ONU Femmes met en œuvre un programme mondial dans 27 pays qui examine l’impact du terrorisme sur les femmes et les soutient en tant que leaders dans la prévention de l’extrémisme violent, y compris à travers leur autonomisation économique.