Question pour une entrepreneure sociale : Qu’est ce qui freine l’accès des femmes et des filles sénégalaises à la technologie ?

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Question pour une entrepreneure sociale : Qu’est ce qui freine l’accès des femmes et des filles sénégalaises à la technologie ?
Fatima Sarr co-fondatrice de L’Atelier des Génies CP: ONU Femmes/Joseph A. Meki 

La place des femmes et des filles dans les STIM (Science, Technologie, Informatique et Mathématiques) est encore timide. Ce que nous avons observé sur le terrain hors de la capitale c’est qu’il y a une problématique d’accès à l’éducation pour les filles vis-à-vis des garçons. Il y a aussi un problème d’accès à la connectivité ou même quelquefois à l’électricité. Cela amène un frein et réduit les chances de voir émerger plus de femmes dans les STIM. L’Atelier des Génies accorde beaucoup d’importance à favoriser des programmes conçus pour les jeunes filles.  Nous voulons très tôt casser cette barrière qui dit aux jeunes filles « Vous ne pouvez pas aller à l’école et faire d’aussi longues études que les garçons », « Vous ne pouvez pas aller dans la filière scientifique ». Les filles ont les capacités et l’intelligence d’aller vers des études à débouchées scientifiques et technologiques. Il est très important de l’intégrer dans le mental des filles scolarisées.  

L’Atelier des Génies a des programmes spécialement conçus pour les femmes en quête de reconversion ou d’intégration dans la société comme les femmes trop tôt déscolarisées ou les femmes refugiées. Nous avons également des programmes pour les femmes qui sont déjà dans des activités économiques. La connexion est chère au Sénégal. Peu de femmes vont choisir de dépenser dans la connectivité, ce qui les coupe du monde. Dans le domaine de la tech il faut toujours se mettre à jour donc rester connecté. Il est vrai que l’outil technologique est aussi couteux. Ça peut être un frein pour ces femmes quand nous savons qu’il y a un problème d’indépendance économique chez elles.  

On forme les femmes à l’outil digital et en compétences techniques sur des domaines dont elles ont besoin pour développer leur activité. Donc on travaille avec les femmes transformatrices, agricultrices ou encore commerçantes. Nous voulons casser cette croyance que lorsque nous sommes analphabètes nous ne pouvons pas utiliser les nouvelles technologies. Notre objectif est donc d’avoir plus de filles qui vont continuer un cursus dans les TEMS et d’avoir plus de femmes qui vont intégrer l’outil technologique dans leur travail. 

Lorsque je me suis lancée dans Atelier des Génies, j’étais directrice d’une compagnie dans le domaine du marketing digital qui accompagnait les entreprises PME/PMI dans la structuration de leur département et dans l’intégration d’un département de marketing digital. C’est parce que c’était à cette époque que nous commençions à donner de l’importance à ce domaine. En étant au contact de tous ces directeurs d’entreprises et de ces jeunes qui se trouvaient dans le monde de la tech au Sénégal, avec le co-fondateur, nous avons commencé à nous demander comment ça se faisait que nous avions autant de mal à atteindre des niveaux de compétences sur des domaines techniques. Que ce soit UGB (Université Gaston Berger de Saint Louis) ou UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) on a les meilleures universités en Afrique, mais sur un niveau mondial nous avons du mal à atteindre les standards.  

Nous nous sommes dit qu’il fallait accélérer l’intégration du digital dans les programmes scolaires pour favoriser une génération « digital ready ». Nous savons que la formation à l’algorithmique et la programmation poussent à développer la structuration d’un mode de pensée qui pousse à la recherche de solutions. C’est la base de toute innovation technologique.  

C’est un projet d’entrepreneuriat social. C’est une entreprise parce qu’aujourd’hui nous nous disons que nous pouvons faire du social tout en générant du bénéfice. C’est un modèle qui gagnerait à être plus exploité sur notre continent. Les contraintes de rentabilité et de chiffre d’affaires ne nous empêchent pas d’avoir un fort impact social grâce à nos activités. C’est pour cela que dès le début d’Ateliers des Génies nous avons toujours privilégié une audience composée de personnes vulnérables.