« HeForShe» au cœur de la savane ivoirienne : des leaders communautaires et religieux engagés pour la cause des femmes et des filles

Compte tenu du contexte actuel de la cote d’Ivoire, le renforcement du rôle de la femme dans les questions liées à la paix et la sécurité ; la planification et la budgétisation sensibles au genre ainsi que la coordination de l'action du système des Nations Unies sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes sont adressés de façon transversale. C’est dans ce cadre qu’ONU Femmes, avec le concours financier du gouvernement du Japon, conduit un projet visant à « anticiper et à prévenir la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles face au terrorisme grâce à leur autonomisation, au dialogue communautaire et à l'éducation dans le Nord de la Côte d'Ivoire ».

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Bonjour Chef, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Kiali OUATTARA, chef de canton intérimaire de Ferkessédougou. Le chef n’est pas résident et c’est moi qui suis en charge des affaires.

Comment avez-vous rencontré ONU FEMMES ?

J’ai été approché par l’équipe de coordination du projet pour faire partie du comité. Etant donné qu’il s’agissait des femmes et que la chefferie ne peut pas fonctionner sans la femme, j’ai adhéré. Ce sont les femmes qui décident que les choses aillent bien ou pas, elles ont le pouvoir (rires).

Quels sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans le canton à votre charge ?

Les mariages précoces ne sont pas le fait de la chefferie, ce sont des pratiques dans la région du Niarafolo (Ferkessédougou). On marie des filles âgées d’un an. Lorsqu’elle grandit et qu’elle ne veut plus, tout se complique. Que pouvons-nous faire ? Très souvent la famille de la fille a des dettes car celui à qui elle a été promis investit en elle, dépense ou travaille pour sa famille. La famille a des problèmes et la chefferie aussi. Lorsque quelqu’un n’est pas instruit c’est difficile de lui faire comprendre certaines choses. Nous travaillons avec des analphabètes et c’est compliqué. Raison pour laquelle les femmes doivent apprendre à lire et écrire, cela facilitera les choses. Les lois sont bien faites mais ici l’on refuse d’appliquer la loi. Je donne des conseils mais tout le monde ne les accepte pas.

Prenons le cas de l’excision, c’est un très mauvais pratique qui est interdite mais chez nous certaines personnes ne veulent pas comprendre. Je fais de la sensibilisation, lorsqu’il ya des jugements ou lorsque j’apprends certaines nouvelles contraires à la loi, je donne des conseils et agit. La femme est celle qui rend la vie facile ou difficile. Il faut donc qu’elle soit à l’aise et tranquille. Il faut prendre soin des femmes.

Mais, mettre fin à l’excision est encore difficile dans le canton de Ferkessédougou (95 campements et 37 villages). Cependant, je suis de près la situation. J’ai des réseaux qui me donnent toutes les informations. C’est secrètement que tout cela se passe. La situation va changer mais pour l’instant c’est difficile. Les problèmes entre les éleveurs et les cultivateurs sont également très sérieux.

Croyez-vous qu’il ya de l’espoir ?

J’ai beaucoup voyagé et vu de belles choses. J’essaie d’appliquer toutes les lois qui contribueraient au bien-être des populations. Je crois au changement. Je suis chaque village de très près et dès qu’une information me parvient je prends des actions. Il ya des coutumes qui ne sont pas bonnes mais il faut du temps pour qu’il ait un changement. Les filles vont de plus en plus à l’école mais il n’ya pas suffisamment d’école. Les hommes changent peu à peu leur manière de traiter leurs femmes. Il ya des décisions prises dans les bureaux mais une fois qu’elles doivent être appliquées sur le terrain tout se complique. Ailleurs, j’ai rencontré des femmes leaders, préfets et sous-préfet. Par contre, ici, il ya de nombreuses cérémonies et activités auxquelles une femme ne pourra pas participer si elle est préfet ou Sous-Préfet. Nous les sénoufos, nous faisons attention à ce que nous disons. Ce n’est pas tout que je peux vous expliquer, ce sont des secrets (rires). La chefferie est toujours dans la lutte pour mettre fin à certaines pratiques. Nous sommes les intermédiaires entre l’Etat et les populations, ces dernières nous en veulent dans la majorité des cas.