Où je me tiens : « Nous avons un grand déficit de logement en Côte d’Ivoire et voyant cette souffrance, je me suis donnée comme mission d’aider à construire des maisons écologiques, économiques et durables »
Marina Nobout Martiale est gérante de l’entreprise OHEL International. Entrepreneure dans le bâtiment écologique, elle a choisi de répondre à un besoin spécial en Afrique et surtout en Côte d’Ivoire.
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“Je suis entrepreneure depuis mon plus jeune âge parce qu’étant orpheline, j’ai appris très tôt qu’il me fallait être autonome, j’ai appris à vendre et faire du bénéfice sur des produits que j’arrivais à vendre et j’ai continué mes activités de commerce à l’université. J’ai commencé en qualité de directrice commerciale dans une entreprise immobilière pendant dix ans, au cours desquelles j’ai cumulé beaucoup d’expériences. Je travaillais dans une entreprise de gestion des immeubles comme le CCIA [grande tour qui abrite plusieurs ministères au Plateau, centre des affaires à Abidjan] et au bout de dix ans, je me suis dit qu’il fallait me mettre à mon propre compte. Étant directrice commerciale, j’ai acquis une maitrise du processus dans le bâtiment de la construction, la gestion jusqu’à la livraison. Il me fallait répondre au besoin crucial de permettre à chaque citoyen d’avoir un toit.
A la suite d’une étude de marché que j’ai réalisé, demandant à la population ce qui leur convenait le mieux, la majorité des personnes interrogées désirait posséder une maison confortable, moins chère et durable. Les recherches que j’ai ensuite faites, m’ont montré que le BTCS [Briques de Terre Comprimée Stabilisée] pouvait résoudre tous ces problèmes, étant un matériel à la fois confortable et écologique, fait principalement à base de terre. Ensuite économique, parce que en utilisant la terre, nous économisons déjà 30% sur les prix des gros œuvres. Enfin, ce matériel est durable. L’argile à la capacité de durcir dans le temps, plus il pleut sur la brique, plus elle se solidifie et voilà ! J’ai donc choisi de m’orienter dans le bâtiment pour aider la population à avoir non seulement des maisons à moindre coût, mais aussi des maisons qui respectent notre environnement afin de lutter contre le réchauffement climatique.
Tous ces aspects ont fait que j’ai opté pour ce métier, pour justement être utile à la planète. Les briques de terres sont nommées BTCS c’est-à-dire Bloc de Terre comprimée et stabilisée. Ces briques sont obtenues avec de la latérite et du ciment, 10% de ciment, 65% de latérite, qu’on mélange avec un peu d’eau. Tout se mélange dans une machine hydraulique appelée hydrophone. Cette machine nous produits des blocs de terre comprimée et stabilisée. Avec ce type de brique, nous pouvons faire des logements, des hôpitaux, des écoles, des hôtels, tous types d’édifices. Ma structure existe depuis maintenant 12 ans et en 12 ans j’ai expérimenté dans toute la Côte d’Ivoire, depuis Soubré, San Pedro ou même Bouaké. J’ai fait des logements pour des instituteurs, des infirmiers, j’ai accompagné le gouvernement dans la latérisation en milieu scolaire, j’ai fait des latrines dans les régions ainsi que des écoles.
De plus en plus, il y a des femmes qui viennent se renseigner sur ce que je fais comme travail et je n’hésite pas à former même des femmes sur nos chantiers. Je responsabilise certaines parfois et je pense que de plus en plus, les femmes commencent à s’intéresser au bâtiment en général. L’on dit que c’est un métier d’homme. Moi je dis, métier d’hommes ou de femmes, c’est la manière d’appréhender le secteur, aimer le secteur, apprendre et se former qui compte. Nous, femmes, pouvons exécuter aussi bien qu’un homme aurait le faire, et mieux parce que la femme a le compas dans l’œil. Ma plus grande réalisation, c’est la première école que j’ai réalisé à Meagui dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.
Lors de ma visite suivante, des petites filles sont venues vers moi, me disant : « Tantie, ta classe est climatisée », surprise, je réponds « Ah bon ? », elles me disent ensuite « Oui, il ne fait pas chaud à l’intérieur, et quand le maître parle, on l’entend très bien ». Et elles me racontaient aussi que certains parents qui avaient été conviés à une réunion à l’école et avaient été installés dans un bâtiment ordinaire, avaient réclamé d’être changé de salle pour occuper une autre, construite en BTCS à cause de la très bonne température à l’intérieur. Il ne fait pas chaud et les sons sont mieux isolés. Ça fait vraiment plaisir de savoir que le client est satisfait de notre travail. Lorsque je finis de construire et que je remets une clé, le sourire que je reçois en face me motive encore plus à aller de l’avant. Mon plus gros challenge, c’est de voir les femmes en train de construire. A travers ma plateforme des femmes dynamiques et entreprenantes, je n’hésite pas à faire des émissions, des formations afin de coacher aussi mes autres sœurs à pouvoir s’investir pleinement dans le secteur du BTP et ainsi devenir autonome.
Marina NOBOUT est Présidente du Green cluster, une association de toutes les entreprises vertes. Elle est également secrétaire générale de la Plateforme des femmes dynamiques et entreprenantes de Côte d’Ivoire et vice-présidente de la Fédération de toutes les Entreprises en Efficacité Energétique, Efficacité Renouvelable et Solution Climat. Le travail quotidien de Mme Nobout reflète l'Objectif de développement durable 9 qui promeut une infrastructure résiliente & qui vise à promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation. Son projet a également permis à davantage de femmes de travailler dans le secteur du BTP ; traditionnellement masculin, ce qui résonne avec l'ODD 5, qui promeut l’autonomisation de toutes les femmes et les filles.