L’impact du COVID-19 sur les femmes : Lucie Gbakoyoro, femme entrepreneure ivoirienne

Lucie Gbakayoro, 61 ans, travaille dans le secteur agroalimentaire en Côte d’Ivoire. Elle dirige une petite entreprise de transformation du manioc et est également présidente de la société coopérative Amougnan de la région du Guémon (ouest ivoirien) qui regroupe une centaine de membres, majoritairement des femmes. Elle raconte à ONU Femmes les impacts du COVID-19 sur son entreprise.

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Mme Gbakayoro dirige une entreprise de 4 personnes. Son activité se concentre autour d’une entreprise de transformation du manioc à partir duquel de la farine – de l’attiéké déshydraté – est produite. A cela s’ajoute la production d’huile de palme, de savon noir et de chips de banane.
Mme Gbakayoro dirige une entreprise de 4 personnes. Son activité se concentre autour d’une entreprise de transformation du manioc à partir duquel de la farine – de l’attiéké déshydraté – est produite. A cela s’ajoute la production d’huile de palme, de savon noir et de chips de banane.

Perte de revenue immédiate

Les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) dirigées par des femmes sont particulièrement touchées par la crise du COVID-19. En effet, les MPME représentent une part importante des entreprises et se concentrent le plus souvent dans des secteurs à plus faible productivité, comme l’agroalimentaire ou les services. Ces entreprises sont particulièrement fragiles en raison des problèmes d’accès au financement et du peu de marge de manœuvre qu’elles ont pour amortir les chocs économiques. La crise actuelle risque d’accroître leurs vulnérabilités.

La fin anticipée du Salon de l’agriculture de Paris à cause du COVID)19 a mis à mal les stocks préparés par Lucie Gbakayoro et son équipe de 4 personnes, ainsi que ceux des membres de la société coopérative dont elle est la présidente. « En vue du Salon, nous avions augmenté la production pour exposer et vendre nos produits car cet événement représente une opportunité d’augmenter notre chiffre d’affaires. L’annulation des expositions a entraîné une perte de revenus mais également une perte des produits qui ne peuvent pas se garder sur du long terme, notamment les produits sans ajouts de conservateurs comme ceux de mon entreprise », confie-t-elle.

L’économie locale est elle aussi touchée, notamment avec la fermeture des commerces dans lesquels sont d’habitude vendus les produits de l’entreprise dirigée par Gbakayoro. La crise affecte également l’accès aux marchés locaux dont la fréquentation a chuté au vu des règles de sécurité en place. « Si jadis le marché comptait une centaine de personnes, aujourd’hui il n’y en a que 50 qui sont installées de telle sorte à respecter une distance d’un mètre entre elles », explique-t-elle. Pour pallier les pertes financières importantes que cela entraîne, elle propose d’instaurer un système de rotation sur 2 ou 3 jours pour que chaque vendeur/vendeuse puisse accéder au marché et ainsi diminuer ses pertes.

Une épargne devenue impossible et un avenir incertain

La crise a entraîné une baisse des revenus des femmes dans le secteur agroalimentaire. A cause des prêts bancaires contractés précédemment, les entreprises comme celle de Lucie Gbakayoro continuent de rembourser leurs échéances, rendant quasi impossible une épargne. Selon elle, « si la crise devait continuer, les femmes ne pourraient plus vendre leurs produits et seraient livrées à elles-mêmes.  Nous ne pourrons bientôt plus payer nos loyers, nos factures, ou même nos échéances bancaires. Dans ces conditions des entreprises comme la mienne ne pourront survivre que 3 semaines, ou maximum 1 mois. »

Le mesures du redressement sont insuffisantes  

Les gouvernements à travers le monde ont pris des mesures économiques drastiques pour alléger les conséquences économiques sur les PME.

En Côte d’Ivoire, Gbakayoro explique qu’elle a entendu parler de mesures similaires devant être mises en place par le gouvernement pour aider les entrepreneurs. « Le gouvernement a envoyé des liens pour remplir des documents en ligne mais il n’y a aucune nouvelle à ce jour. Il devrait nous donner des subventions pour nous aider à rembourser les prêts bancaires et couvrir les pertes liées à la crise. Sans cela, nous ne pourrons plus faire de stocks et, selon la durée de la crise, nombre de nos produits vont se gâter et devenir invendables », indique-t-elle.

La crise du COVID-19 est lourde de conséquences pour les MPME. Si la situation continue, il sera très difficile pour les entreprises comme celles de Lucie Gbakayoro de la surmonter. « L’emprunt auprès des familles est devenu difficile, la situation force la population à s’approvisionner en nourriture pour les besoins de première nécessité. Personne n’a d’argent à prêter. Les allègements fiscaux ne sont pas suffisants. A ce rythme, d’ici quelques semaines, il n’y aura plus rien à taxer », s’inquiète-t-elle.

Pour aider les femmes à surmonter les effets de la crise, diverses options s’offrent au gouvernement, dont celle de créer des lignes de crédit sans intérêt. En ce sens, le gouvernement ivoirien, avec le soutien technique d’ONU Femmes, vient de lancer une enquête pour évaluer les effets du COVID-19 sur les entreprises dirigées par des femmes.