Autonomiser les filles africaines par l'éducation : Diago Diagne, une éducatrice de plus de 30 ans s’exprime.

Le 25 mai est la Journée de l’Afrique, célébrée tous les ans par les 55 Etats membres de l'Union Africaine. Établie en 1963 pour marquer la création de l'Organisation panafricaine anciennement connue sous le nom d'OUA - Organisation de l'Unité Africaine, la commémoration du 61ème anniversaire s’articulera autour de l'éducation sous le thème central: "Éduquer une Afrique digne du 21e siècle": Construire des systèmes éducatifs résilients pour un meilleur accès à un apprentissage inclusif, tout au long de la vie, de qualité et pertinent pour l’Afrique".  En l’honneur de la Journée de l’Afrique, Mme Diago Diagne, éducatrice et femme leader engagée (Présidente régionale du REFPSECO, le Réseau des Femmes de l’Espace CEDEAO pour la Paix et la Sécurité, Partenaire clé d’ONU Femmes), s’exprime sur l’état du système éducatif africain au 21e siècle. Lors d’une interview qu’elle nous a accordée au sein du “Cours Awa & Khassim”, une école élémentaire qu’elle a ouverte il y a dix ans, au cœur de Dakar au Sénégal, Mme Diagne a partagé ses réflexions sur les défis, les triomphes et les aspirations qui façonnent le paysage éducatif en Afrique. Elle a également partagé sa vision pour les jeunes filles, les futures dirigeantes d’une Afrique plus égalitaire.

Confrontée à de multiples défis, l’éducation en Afrique peut se transformer grâce à une approche holistique intégrant l’innovation

Forte de 30 années d’expérience pratique, Mme Diagne, fondatrice d’une école primaire et ancienne enseignante dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale (notamment le Sénégal, l’Éthiopie et le Gabon), met en évidence les nombreux défis qui entravent l’éducation sur le continent africain. Ces défis vont des infrastructures inadéquates aux interférences politiques qui affectent l’accès et la qualité de l’éducation, en passant par des pratiques sociales néfastes telles que le mariage des enfants. Pourtant, malgré cette situation, Diago Diagne reste optimiste. Elle estime qu’une approche holistique, impliquant toutes les parties prenantes, ainsi que l’amélioration de la formation des enseignants et une gouvernance équitable, pourront contribuer à améliorer la situation du système éducatif Africain.

« En se basant sur le Sénégal, on peut affirmer que le système éducatif africain reste confronté à de véritables défis dans de nombreux domaines. De nombreux enfants ne sont toujours pas scolarisés, en particulier ceux vivant dans les zones rurales, et cela pour diverses raisons, notamment l’isolement, le manque d’infrastructures, l’insécurité, les installations inadéquates, les problèmes d’état civil, le coût de l’éducation, les effets du changement climatique, les aspects économiques, ainsi que le manque d’accès à une bonne alimentation, l’absence d’eau, d’électricité et d’internet… » Malgré les nombreux défis, Mme Diagne garde espoir.  La feuille de route qu'elle propose pour atteindre l'excellence en matière d'éducation en Afrique est une approche holistique qui met l'accent sur l'implication des parties prenantes à tous les niveaux et offre une formation continue des enseignants et un soutien infrastructurel. 
En mettant l’accent sur l’inclusion, l’innovation et la responsabilité, Mme Diagne envisage un avenir où l’éducation africaine non seulement répondra aux normes internationales, mais les surpassera. Elle souligne également l’importance d’envisager des outils novateurs, une fois que les prérequis auront été mis en place:  « Il est essentiel que des outils innovants tels que l'intelligence artificielle soient également pris en compte, notamment pour aider à combler les lacunes et renforcer le système éducatif africain, mais pour ce faire, il y a des conditions préalables qui devraient d'abord être abordées. »  

Selon notre éducatrice de carrière, il est essentiel de s’attaquer aux questions fondamentales telles que la disponibilité de l’énergie, la mise à disposition de matériel pédagogique adapté ainsi que l’étendue des couvertures nationales des réseaux de télécommunication si l’on veut pleinement tirer profit de la révolution numérique.

Réduire le fossé de l’inégalité entre les sexes: le Partenariat avec ONU Femmes fait la différence.

Diago Diagne,


Tout en reconnaissant les progrès réalisés en matière d’éducation des filles, notamment en ce qui concerne les taux de scolarisation, Mme Diagne souligne la persistance des normes socioculturelles, des pratiques néfastes qui entravent l’éducation des filles dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Malgré l’adoption de certaines politiques inclusives et les campagnes de sensibilisation, des pratiques socioculturelles telles que le mariage des enfants persistent encore dans la sous-région.  Reconnaissant le rôle central de l’éducation dans la prise de conscience, Mme Diagne souligne l’importance d’une sensibilisation précoce et exprime son appréciation des efforts fournis par ONU Femmes pour informer et former les adolescents, filles et garçons, sur les droits humains et la problématique des inégalités entre les sexes. 

S’appuyant sur le cas concret de la Commémoration des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles, Mme Diagne met en lumière les nombreux avantages du partenariat établi entre ONU Femmes et son école au cours des trois dernières années. Depuis 2021, elle mène des activités commémoratives des 16 jours : « Ces activités ont donné l’opportunité au public, composé de parents, de responsables communautaires, d’élèves et d’enseignants, d’échanger des idées et de proposer des solutions. Cela a permis d’impliquer la communauté, de la sensibiliser et surtout de mettre en place un système de sensibilisation à plus grande échelle. Un autre avantage de la commémoration est que les élèves développent leurs compétences en leadership et pensent à leurs futures implications dans l’engagement communautaire, notamment pour défendre les droits des survivantes de violences basées sur le genre »

Appel à l'action : Levez-vous, les filles !

Diago Diagne,


La vision de Mme Diagne pour l’avenir est véritablement transformatrice. Selon elle, les filles, en particulier celles qui ont eu l’opportunité d’aller à l’école, doivent constituer la force motrice d’une Afrique plus égalitaire. Notre éminente éducatrice, engagée pour la transformation de l’éducation en Afrique de l’Ouest a partagé sa vision d’un monde où les femmes sont des ingénieures, des médecins, des pilotes et des leaders, contribuant ainsi à façonner le destin de l’Afrique dans divers secteurs. Son rêve est celui d’un monde où :

«Les filles, guidées par leurs aptitudes et leurs compétences, poursuivent des études supérieures dans les meilleures écoles pour devenir les meilleurs cadres d'Afrique dans divers domaines : ingénieurs, médecins spécialistes, agronomes, techniciennes supérieures, artistes, penseurs, intellectuelles, pilotes de ligne, capitaines de marine, hautes autorités des forces de défense et de sécurité, enseignantes, universitaires, chercheures, cheffes d'entreprise, des capitaines d'industries et également des activistes».

Mme Diagne insiste sur l’urgence pour les femmes d’être pleinement intégrées et de participer à tous les niveaux de la société, en apportant des contributions significatives au développement politique, économique et social des nations africaines. Son message est un appel à l’action. Elle exhorte les filles à s’engager dans l’éducation et à revendiquer la place qui leur revient dans l’édification d’une Afrique plus équitable. Sa vision va au-delà de la seule réussite personnelle ; il s’agit d’une vision pour un continent défini par la paix, la stabilité et la prospérité partagée. En témoigne son appel à l’action à l’endroit des filles pour foncer et allez de l’avant : « Allez les filles ! Pour une Afrique plus juste, pour une Afrique plus égalitaire, pour une Afrique où vous aurez un rôle important et déterminant à jouer, c’est cela mon rêve pour les filles. »