Les forces de défense et de sécurité Sénégalaises outillées dans la prévention et la prise en charge des violences basées sur le genre.
Date:
25-26 janvier 2018
Une cinquantaine d’agents des Forces de défense et de sécurité sénégalaises ont participé avec l’appui de ONU Femmes à un atelier de formation sur les procédures opérationnelles standards (POS) de prévention et de prise en charge des violences basées sur le genre (VBG), du 25 au 26 janvier 2018 à l’Ecole nationale de police et de la Formation permanente (ENPFP).
La cérémonie d'ouverture de cette activité était présidée par le directeur de l’Ecole nationale de la police, en présence de ONU Femmes, du ministère de la femme de la famille et, de l’Unesco et du Haut-commissariat pour les droits de l’homme (HCDH).
Cette activité s’inscrit dans la mise en œuvre du Plan d’Action national de lutte contre les violences basées sur le genre et de la promotion des droits humains, coordonné par le Ministère de la Femme, de la Famille et du Genre.
Certaines études menées à l’échelle nationale font apparaître que jusqu’à 70% des femmes ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime au cours de leur vie. Les données recueillies sont autour des violences à caractère psychologique, physique, sexuel et, économique, et montrent que les principaux auteurs de violences sont les hommes.
Une étude d’ONU Femmes sur la situation des VBG au Sénégal révèle que le plus grand nombre de cas de VBG enregistré par les établissements de santé ne parviennent pas à la police ou à la gendarmerie.
Ainsi durant cet atelier de deux jours, plusieurs thématiques ont été passées en revue (Genre, VBG, droits humains, le cadre normatif, l’approche multisectorielle, entre autres). Les aspects socio-anthropologiques ont aussi été abordés par le professeur Cheikh Niang sociologue.
Pour le directeur de l’Ecole nationale de police Ousmane Gueye, ‘’cette initiative est d’une importance capitale’’ estimant que ‘les agents des Forces de défense et de sécurité, chargés de la protection des personnes et de leurs biens, ont un rôle prépondérant à jouer’’.
Le rôle de l’officier de police judicaire, l’accueil et l’entretien avec les victimes ainsi que la gestion des traumatismes sont autant de questions sur lesquelles les participants ont pu débattre.
Interrogés sur l’apport de cette formation de nombreux officiers ont avoué s’être rendus compte de la complexité du concept ‘’genre’’ dont ils n’appréhendaient que de manière superficielle.
Mais la principale recommandation retenue à l’issue de cette formation a été la mise sur pied d’un service médico-judiciaire spécialisé pour la prise en charge des victimes de VBG à l’image de celui géré par la police Rwandaise ‘’Isange One Stop Center’’. Il s’est également agi en termes de recommandations de voir comment élaborer une stratégie nationale de prévention et de prise en charge des VBG qui va faciliter les interventions sur le terrain.
Le centre de prise en charge du Rwanda, assure en effet le traitement et l’écoute des victimes de violence et permet aux patients, en majorité les femmes, de s’ouvrir à des psychologues, de subir des traitements médicaux physiques et de procéder aux poursuites judiciaires des présumés auteurs, selon Marie Sabara, chargée de programme pour l’élimination des VBG à ONU Femmes.
En 2012, a-t-elle rappelé, ONU Femmes a organisé une mission au Rwanda avec plusieurs participants sénégalais issus des différents services ministériels dans la prise en charge des violences, afin de s’inspirer de ce modèle de prise en charge estimant qu’il serait pertinent que ce modèle soit reproduit au Sénégal pour une meilleure coordination des intervenants de la chaine.
Les Bénéficiaires réagissent…
« Cette formation nous a permis de lever l’équivoque sur le concept genre qui n’est pas exclusivement réservé aux femmes. Mais les difficultés que nous rencontrons dans la prise en charge des victimes de VBG, sont d’abord d’ordre logistique car les structures de police ne sont ni équipées ni appropriées. L’autre difficulté est le fait que tous les éléments de force de sécurité ne sont pas préparés à accueillir et prendre en charge les victimes, d’où la nécessité de démultiplier ce type de formation. La collecte de preuves est également une autre problématique car la conservation des preuves surtout en matière de viol est difficile et de nombreuses victimes se présentent seulement avec un certificat médical, qui ne suffit pas pour établir un lien de causalité entre la victime et l’auteur de la violence. L’idée serait de mettre en place des unités médico- judiciaires qui prennent en charge les victimes mais également d’orienter les financements vers des structures de prise en charge des femmes qui sont souvent désorientées surtout au niveau des zones frontalières avec le trafic des migrants ».
« La prise en charge des VBG interpelle directement les forces de sécurité car faisant partie des intervenants dans la chaine de prise en charge, mais le suivi psychologique n’est pas souvent assuré, donc on gagnerait à mettre en place un système d’accueil et de suivi psychologique dans tous les commissariats de police. Il est donc important de dessiner une feuille de route ou d’élaborer une stratégie qui mette l’accent sur les modalités d’intervention et permettre aux différents intervenants de mener leurs actions de manière efficace.
Il s’agira de mettre en place un dispositif qui permet d’établir une prise en charge depuis la commission des faits à la réinsertion des victimes, en faisant intervenir les structures de santé, les services de sécurité, certains acteurs sociaux et arriver à mieux faire face à ces genres de situation. Il faudra surtout encourager les victimes à faire le premier pas en dénonçant les abus pour favoriser l’efficacité des actions. Le modèle rwandais de centre spécialisé dans la prise en charge des VBG est un modèle qu’il est important de dupliquer ici au Sénégal. ».
« Le concept féminisation nous est apparu avec l’incorporation des femmes dans l’armée en 2008. Cela fait donc 10 ans que nous avons des femmes dans l’armée, (…) donc ce genre de séminaire nous permet de comprendre les concepts liés aux violences basées sur le genre surtout dans le cadre professionnel. Je pense que ces femmes sont confrontées à certaines difficultés et que nous ne leur offrons pas toutes les opportunités pour en parler. En termes de recommandation, il serait pertinent d’augmenter le nombre d’assistantes sociales dans les différentes bases de l’armée pour faire face à des cas de VBG, ce qui permettrait aux assistantes sociales de jouer l’interface avec les autorités que nous sommes. Il faudra aussi former davantage les officiers pour qu’ils puissent mieux appréhender la prise en charge des victimes de violences ».
« Il nous faut au niveau national un plan stratégique de prévention et de prise en charge des VBG pour les forces de défense et de sécurité en faisant l’état des lieux et voir comment atteindre les objectifs de lutte d’ici une période bien déterminée. Il s’agira de disposer d’un document pour guider et orienter les offres de services afin d’appuyer les forces de sécurité à jouer leur partition dans la coordination des interventions et la synergie des acteurs. ».