Déclaration : Les blessures invisibles causées aux femmes et aux filles nous font du tort à tous

Déclaration conjointe de Phumzile Mlambo-Ngcuka, directrice exécutive d’ONU Femmes, et de Christo Stylianides, commissaire européen à l’aide humanitaire et la gestion des crises

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Au moment où le monde marque la Journée mondiale de l’aide humanitaire sous le thème #PasUneCible afin d’attirer l’attention sur l’incidence que peuvent avoir les conflits armés pour des millions de civils de par le monde, nous réclamons une considération spéciale pour les violences basées sur le genre qui se produisent à grande échelle dans les situations de conflits et de catastrophes. L’angoisse que l’on peut déceler sur le visage de celles et ceux dont les foyers et les moyens de subsistance ont été détruits est également susceptible de refléter les pertes et les blessures qui sont moins visibles, mais tout aussi dévastatrices et insuffisamment reconnues. Un réfugié sur cinq et les populations déplacées à l’intérieur de leur propre pays subissent des violences sexuelles et sont soumis à des pratiques telles que le mariage des enfants, les mutilations génitales féminines et la traite des personnes dans les situations d’urgence qui provoquent des pertes de vie ou des conséquences néfastes pour eux, une déstabilisation des sociétés, des relèvements retardés et des droits humains négligés, surtout chez les femmes et les filles. Pour nous tous, ce sont des pertes qui entravent le rétablissement économique, le maintien durable des processus de paix ainsi que la croissance du capital humain capable de rétablir les équilibres bousculés.

Tant les catastrophes naturelles que celles causées par l’homme sont en augmentation, ce qui provoque un accroissement des effets néfastes sur les populations concernées. En fin d’année dernière, plus de 68 millions de personnes avaient été forcées de fuir leur foyer à cause des conflits. Nous savons que le risque de violences sexuelles et sexistes, rehaussé par les inégalités entre les sexes et les déséquilibres de pouvoir existants, augmente lorsque surviennent des catastrophes et des conflits. Cela est dû en partie au fait que les femmes et les filles, qui assurent les tâches ménagères, sont particulièrement exposées à des risques accrus lorsqu’elles se déplacent sur de plus longues distances pour trouver de l’eau, du combustible, de la nourriture et des occasions de travailler, alors que les mécanismes de protection s’affaiblissent ou ne fonctionnent plus.

La lutte contre la violence basée sur le genre est salutaire. Mais malgré leur caractère généralisé, la prévention et la réaction à la violence sexuelle et sexiste interviennent rarement aux premiers stades des situations d’urgence. En outre, les mécanismes existants au niveau de la politique, du financement, des systèmes et de la mise en œuvre visant à garantir que cette violence sera traitée de manière prioritaire et exhaustive, sont insuffisants.

En tant que membres de l’initiative mondiale Appel à l’action contre la violence à caractère sexiste dans les situations d’urgence, l’Union européenne et ONU Femmes ont demandé à la communauté fournissant de l’aide humanitaire de s’attaquer à la violence basée sur le genre dans les situations d’urgence dès que des situations de crise se présentent et de s’assurer de la participation et du leadership des organisations locales, celles des femmes en particulier, à la prévention de la violence basée sur le genre et à la prise de mesures contre celle-ci. Les risques particuliers auxquels sont confrontées les femmes et les filles peuvent s’accroître lorsque les agents humanitaires ignorent la force de caractère et le pouvoir des femmes.

Des travaux importants ont été réalisés dans le cadre du partenariat humanitaire UE-ONU Femmes pour expliquer pourquoi la sensibilité aux questions de genre, à l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles sont essentielles pour l’action humanitaire, comment les évaluations de besoins peuvent être utilisées dans le cadre de la planification et de la programmation humanitaires stratégiques, comment des changements transformatifs et durables peuvent être apportés, et comment il est possible d’intégrer les perspectives sexospécifiques dans le cycle de programmation humanitaire et dans tous les secteurs pour obtenir des processus de paix viables et durables. Ils viennent compléter les travaux de l’Initiative Spotlight de l’UE et de l’ONU, qui est en train de procéder à l’élaboration d’une approche exhaustive visant à l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles.

C’est grâce à de tels partenariats multilatéraux, qui sont solides et nous permettent de tirer parti de nos capacités individuelles, que nous nous attaquerons à la violence sexuelle et sexiste et que nous ferons en sorte que les femmes et les filles ne sont #PasUneCible mais plutôt une ressource d’importance cruciale.

En ce jour, nous demandons à la communauté humanitaire d’adopter une approche plus large et soucieuse de l’égalité des sexes pouvant s’attaquer aux causes profondes de la violence sexiste, et de reconnaître la capacité des femmes à jouer un rôle de leaders et à prendre part aux décisions lorsque prévalent des situations de crise.