L'impact du COVID-19 sur les femmes: Nicole GAKOU, entrepreneur sénégalaise
Nicole Gakou est ingénieur en systèmes d'information et chef d'entreprise. Elle est également présidente de l'Union des femmes entrepreneurs du Sénégal (UFCE). Dans cette interview avec ONU Femmes, elle met en lumière les impacts du COVID-19 sur les entreprises dirigées par des femmes. L'UFCE regroupe 500 femmes réparties dans les régions de Dakar, St Louis, Ziguinchor et Thiès qui sont actives dans tous les secteurs d'activité. Aujourd'hui, 46% de ces femmes sont dans la transformation agro-alimentaire (agriculture, élevage et pisciculture), 36% dans les services, et moins de 1% travaillent dans les laboratoires de l'industrie cosmétique. Plus de 90% des membres de l'UFCE sont dans le secteur formel et le reste des membres est accompagné pour y parvenir.Date:
La crise frappe les membres de l'Union des femmes entrepreneurs du Sénégal
Les mesures mises en place par l'État, notamment la distanciation physique, la fermeture des marchés, l'interdiction des déplacements entre régions, concernent toutes les entreprises de l'UFCE, qu'elles soient dans le domaine de la construction, de la cosmétique ou des centres de formation. Les femmes les plus impactées sont celles qui travaillent dans la restauration et le tourisme, elles ont en effet vu leurs activités diminuer ou être interrompues. De plus, les employés qui vivent dans les régions voisines ne peuvent pas voyager étant donné la restriction imposée par le gouvernement sur les déplacements d'une région à l'autre. Les femmes travaillant dans la transformation des aliments sont également gravement touchées. «Il y a eu une baisse de 60% du chiffre d'affaires dans le secteur de la transformation depuis mars. Certaines entreprises nous disent que si cette situation perdure jusqu'en juin, elles seront contraintes de fermer », précise Nicole Gakou.
Problèmes d'accès au financement
Face à cette nouvelle réalité, Mme Gakou explique que les femmes rencontrent des difficultés pour accéder au crédit bancaire: "Parfois, nous n'avons pas d'informations, nous ne savons pas qui contacter." Face à cette situation, les femmes sont obligées d'utiliser leurs économies. Cela est rendu encore plus difficile en raison de la responsabilité qu'ils ont envers leurs familles, leurs employés et leurs enfants. La crise touche tout le monde, des producteurs aux clients qui eux-mêmes ne peuvent plus payer les commandes. Mme Gakou explique que les importateurs du secteur de la transformation sont également impactés: "les clients ne paient pas, donc nous ne pouvons pas payer les fournisseurs et nous ne pouvons pas acheter les intrants".
Outil numérique, l'une des stratégies d'adaptation des femmes
Les mesures préventives, y compris la distanciation physique, ont affecté la manière dont les entreprises sont gérées. «Beaucoup d'entre nous se tournent vers les outils informatiques / numériques pour gérer et poursuivre nos activités», explique Mme Gakou. Ainsi, à travers la mise en place d'e-commerce, de page Facebook, de création de site ou de vente en ligne, certaines femmes managers ou entrepreneurs continuent de gérer leur entreprise à distance. L'UFCE se prépare déjà pour la période post-COVID-19, notamment à travers des formations en ligne sur la création de sites Internet et de boutiques en ligne pour aider les membres qui souhaiteraient utiliser l'outil numérique.
Des mesures de relance adaptées aux besoins des entreprises dirigées par des femmes, une demande du secteur
Malgré les mesures économiques mises en place par le gouvernement, Mme Gakou explique que les différents soutiens annoncés ne visent pas spécifiquement les femmes entrepreneurs / chefs d'entreprise. En effet, si un fonds de garantie de 200 millions de FCFA était créé pour accéder à un crédit bancaire, «il faut savoir que nos membres sont plus dans des systèmes financiers décentralisés que dans des banques. Cela signifie qu'il faut être structuré, avoir des employés, être clairement identifié pour accéder à ces fonds ». Cependant, les femmes n'ont souvent pas accès à l'information, ne savent pas comment constituer un dossier ou à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Mme Gakou déplore le manque de considération particulière pour les femmes, tous secteurs confondus.
Soutien de l'Union des femmes entrepreneurs du Sénégal à ses membres
Pour aider les femmes entrepreneurs/chefs d'entreprise à surmonter les effets de la crise, l'UFCE travaille avec le gouvernement, notamment le ministère de la Femme. Dans le cadre de cette collaboration, l'UFCE espère que le Ministère de la Femme soutiendra les femmes entrepreneurs/chefs d'entreprise dans l'identification des stocks existants et que l'Etat les achètera pour permettre aux femmes d'avoir un soutien économique.
Les femmes entrepreneurs/chefs d'entreprise sont également confrontées à de nombreuses pressions sociales et professionnelles, ce qui entraîne un stress important. Face à ces réalités, l'UFCE organise des webinaires, notamment sur la gestion de crise, sur le stress lié à la crise, les mesures d'anticipation à prendre après COVID-19, mais aussi des discussions autour d'entreprises qui devront penser à se réinventer en changeant leur secteur d’activité après la crise.
L'Union des femmes chefs d'entreprise (UFCE) du Sénégal a été créée en 2007 dans le but de promouvoir le développement de l'entrepreneuriat féminin et de développer le leadership féminin afin de faire émerger les employeurs. |