Transformer les incertitudes en force : au Sénégal, la fabrication de savons et de gel a permis à plus de 2 000 femmes de contrer les effets de la Covid-19
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La pandémie de Covid-19 a été une période de questionnements et d’incertitudes. Si tout n’était pas à l’arrêt, beaucoup d’activités économiques ont ralenti, parfois jusqu’au point mort, à cause des mesures de lutte contre le coronavirus.
Une enquête rapide relative à l’impact économiques de la pandémie COVID 19 sur les femmes et les filles, réalisée par ONU Femmes (2020) a permis de relever que les femmes ont été les plus durement touchées par les impacts économiques de la Covid-19. Majoritairement, de petites productrices, les femmes des secteurs formel et informel n’arrivaient plus à écouler leurs productions à cause des difficultés d’accès aux marchés. Les mesures barrières imposées pour freiner l’avancée de l’épidémie en empêchaient bon nombre de gagner leur vie et de subvenir aux besoins fondamentaux de leurs familles.
Selon Djenaba Wane Ndiaye, coordonnatrice du Programme Sénégal d’ONU Femmes, « En temps de crise, les femmes sont souvent les premières intervenantes, car elles jouent un rôle central dans la survie et la résilience de leurs familles et de leurs communautés. La plupart des organisations féminines sénégalaises évoluent dans le secteur informel et ne bénéficient d’aucune protection sociale. Face à la question des maigres revenus propre à la majorité des organisations de femmes, un accompagnement était nécessaire pour atténuer les effets de la pandémie sur le plan économique et social. »
Cet accompagnement, ONU Femmes l’a réalisé virtuellement afin de sortir ces femmes de l’ornière et de participer à l’effort de lutte contre la Covid-19. Ainsi, entre mai et juin 2020, au plus fort de l’épidémie, ONU Femmes a organisé 8 sessions virtuelles qui ont permis de former plus de 2100 personnes, dont une quinzaine d'hommes à la fabrication de savons et de gel hydroalcoolique.
Nous avons rencontré Fama Gaye, une des bénéficiaires, formées puis appuyées en matériel et en équipement afin de continuer ses activités génératrices de revenus.
Nous la retrouvons à la foire du Ramadan, où elle tient un stand de présentation de vente des produits de l’Union pour le développement des Femmes de Yoff (UDEFY), dont elle est la présidente. Cette association, qui regroupe plus de 700 femmes, s’activait dans la transformation de produits agroalimentaires et d’autres activités génératrices de revenus. Totalement à l’arrêt durant l’épidémie, elles ont pu ajouter une corde à leur arc : « nous avons suivi la formation en ligne, durant la Covid-19 en 2020. Au départ, nous étions 70 femmes. Après la formation, nous nous sommes réunies à notre centre à Yoff pour mettre en pratique et fabriquer des savons que nous avons pu écouler. Durant cette période, nous n’avions pas d’activité. Seule la vente des savons nous permettait d’avoir un peu de revenus »
Pour Rokhaya Gaye, Chargée du programme Autonomisation Economique des femmes, « l’objectif général de la formation était d’ intégrer la fabrication de savons et gel antiseptique dans les activités économiques des organisations de femmes ou de renforcer leurs capacités dans ce domaine, pour qu’elles puissent en faire des activités génératrices de revenus durant la période de Covid-19. Elles ont été ainsi positionnées en tant que fournisseurs de produits sanitaires dans un contexte de forte demande. »
L’une des réussites des femmes de l’UDEFY est qu’elles ont réussi à démultiplier les connaissances acquises en ligne et grâce à leur pratique. Ce qui a permis à d’autres femmes de bénéficier indirectement du soutien d’ONU Femmes. Pour Fama, il était essentiel de partager leur savoir-faire, en solidarité avec d’autres femmes qui vivaient la même situation, avec les mêmes craintes et incertitudes engendrées par la pandémie : « à la suite de notre formation, nous avons transmis ce que nous avons appris à plus de trois cents autres femmes, provenant de Yoff et d’autres communes de la région de Dakar. Bon nombre de ces femmes fabriquent maintenant du savon et en tirent des revenus. Certains GIE sont aussi venus à notre centre pour que nous les formions. C’était gratuit, mais ils devaient venir avec leurs intrants pour fabriquer leurs propres savons. A la fin de la formation, ils repartaient avec les deux tiers de la production et nous en laissaient le tiers. »
Après les sessions virtuelles, les « Yoffoises » ont souhaité faire plus. Elles en avaient les capacités et l’ambition. Pour donner un nouvel élan à leurs nouvelles activités, elles se sont tournées vers ONU Femmes. « Lorsque nous avons commencé à produire des savons, nous avons souhaité en produire plus, puisque la demande était là. Nous nous sommes rapprochées à nouveau d’ONU Femmes, qui voyant les résultats que nous avions obtenus, nous a doté en matériel. Nous avons pu créer une microentreprise qui nous a permis d’augmenter notre capacité de production, qui est passée de 60 à 600 savons par jour » poursuit Fama.
Face à ce tableau qui donne de l’espoir et du courage aux membres de l’UDEFY, cette présidente, « visionnaire » pense qu’il leur faut tendre vers d’autres domaines, notamment le marketing digital et de l’emballage afin que leur clientèle puisse trouver leurs produits sur les étals des supermarchés et pour s’ouvrir résolument vers l’international.