Selon les mots de Diénéba Touré : « L’une des raisons pour laquelle l’excision est pratiquée, est le contrôle de la sexualité des filles et des femmes. »

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Diénéba Marie-Prisca Kpan épse. Touré, Chargée de programme Éducation et Famille à la Fondation Djigui, partenaire d’implémentation d’ONU Femmes Côte d’Ivoire. Psychologue de formation. Crédit photo:ONU Femmes Côte d’Ivoire.
Diénéba Touré, Chargée de programme Éducation et Famille à la Fondation Djigui. Crédit photo : ONU Femmes/Stéphane Joel Dah

 

« Confrontée pour la première fois aux images des conséquences de l’excision sur les femmes et les petites filles, mon choc m’a poussé à chercher à comprendre pourquoi, malgré ces conséquences néfastes qui font énormément souffrir les victimes, cette pratique se poursuit-elle. Ainsi, j’ai commencé mes investigations en interrogeant les membres de ma famille. À ma grande surprise, la majorité des femmes avaient toutes été excisées. Leur vécu de l’excision représentait des souvenirs si difficiles que la plupart d’entre elles n’osaient en parler. Après avoir écouté les femmes de ma famille, mon intérêt pour la thématique grandi au point de décider d’en faire le thème de mon mémoire de maîtrise.

Aujourd’hui, l’un des projets qui me tiennent le plus à cœur, est le Projet de promotion de l’abandon des MGF implémenté dans les départements de Touba et Danané. Il a permis de toucher en trois mois 942 personnes à travers des dialogues communautaires et de faire signer un engagement d’abandon des MGF par huit chefs de villages et huit guides religieux, leaders communautaires. Aussi, une Analyse situationnelle sur les MGF a été faite en 2021 par le Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, en collaboration avec ONU Femmes, la Fondation Djigui, et d’autres partenaires techniques et financiers, en vue d’élaborer le Plan national pour l’abandon des MGF en Côte d’Ivoire. De cette analyse, il ressort plusieurs facteurs socioculturels.

Les normes et croyances sociales tendant à contrôler la sexualité de la femme et à stigmatiser la femme et la fille non excisée : l’une des raisons pour laquelle l’excision est pratiquée, est le contrôle de la sexualité des filles (virginité jusqu’au mariage) et des femmes (fidélité à l’homme). Sur cette base, les filles non excisées sont traitées de femmes impures sans aucune valeur et rejetées par leurs communautés.

L’existence de mythes et de pratiques mystiques liées à la MGF : la plupart des exciseuses interrogées lors de cette enquête soutiennent qu’elles seraient sous l’emprise de ‘génies’, des créatures invisibles considérées comme des divinités, de qui elles auraient reçu leurs pouvoirs d’excision.

Le rôle social des exciseuses : les entretiens avec des ex-exciseuses, des femmes et jeunes, des chefs de communautés, de villages, etc. ont montré que les exciseuses jouent un rôle de premier plan dans les communautés où se pratique l’excision. Elles peuvent cumuler plusieurs rôles : matrones, conseillères du roi ou du chef, guérisseuses, etc. Leur dimension spirituelle conforterait davantage leur statut privilégié. Dans certaines communautés, elles sont également les dépositaires de la tradition du village. Leur disparition entraînerait donc la disparition du patrimoine culturel du village.

La discrétion qui entoure la pratique, toujours tabou : le constat fait lors de cette étude est que la législation relative à cette pratique culturelle a renforcé la pratique de l’excision clandestine.

En ma qualité de psychologue, j’ai écouté de nombreuses survivantes de complications des MGF que j’ai aidé à sortir de leur détresse. J’en ai orienté plusieurs vers un médecin spécialiste en chirurgies réparatrices. J’ai également contribué à la mise en œuvre de plusieurs projets de lutte contre les VBG et les MGF, implémentés dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire qui, selon les MICS, est la zone la plus touchée par cette pratique dans le pays (75,2% en 2016). Ces projets ont été mis en œuvre grâce au soutien financier et technique de plusieurs partenaires, dont ONU Femmes Côte d’Ivoire et le Fonds Français Muskoka. »

 

Note de l’auteur:
Dans le monde, selon l’UNICEF (2016), ce sont plus de deux cents millions de filles et de femmes âgées de 15 à 49 ans qui subissent les Mutilations Génitales Féminines (MGF). En Côte d’Ivoire, mon pays, les enquêtes MICS (Multiple Indicator Cluster Surveys, enquêtes en grappe à indicateurs multiples) estiment à 36, 7% le taux de filles et de femmes victimes de cette violence.