Les femmes au cœur du développement agricole dans le delta du fleuve Sénégal

Khoury Gaye en train d'inspecter la qualité du riz qu'elle produit en compagnie de Khady Diallo, une de ses collaboratrices
Khoury Gaye en train d'inspecter la qualité du riz qu'elle produit en compagnie de Khady Diallo, une de ses collaboratrices

Thiagar – Sénégal, Devant une grande rizière, deux personnes sont en train de marchander des produits maraichers exposés sur un étal. Tandis qu’un cheval gambade à l’entrée, on aperçoit cinq femmes réfugiées sous un arbre rire  aux éclats. Parmi elles, se trouve Khoury Gaye, une cinquantenaire voilée d’une grande étoffe blanche qui tient dans sa main des tiges de riz qu’elle inspecte avec minutie.

Cette brave femme habite à Thiagar, une commune située près de la frontière mauritanienne et considérée comme le grenier du Delta du fleuve Sénégal. En effet, cette localité est dôtée d’un potentiel agricole insoupçonné avec des terres fertiles et un réseau hydrographique dense. L’agriculture y est l’activité économique phare.

D'ailleurs, chez Khoury Gaye, l’agriculture est une affaire familiale. En effet, elle a hérité ce métier de ses parents qui lui ont appris tous les secrets de la culture de la terre dont elle s’est très tôt approprié. « Je me suis passionnée d’agriculture dès l’âge de quinze (15) ans et depuis lors j’essaye de faire mon trou. » déclare Khoury.

Khoury Gaye intervient sur toute la chaine de valeur de la riziculture. « Je suis agricultrice, productrice et transformatrice de riz » dit-elle pour se présenter. En parallèle, elle fait du maraichage en cultivant des produits tels que du gombo, des tomates ou encore des concombres. « J’ai dédié ma vie à l’agriculture et je ne me donne aucune limite quant aux types de produits que je cultive. » précise Khoury, sourire aux lèvres.

La fille de Khoury Gaye et une membre de son GIE en train de consulter l'application Buy from Women. Crédit Photo : Jean Baptiste DIOUF / 2024 ONU Femmes
La fille de Khoury Gaye et une membre de son GIE en train de consulter l'application Buy from Women. Crédit Photo : Jean Baptiste DIOUF / 2024 ONU Femmes

Rompue à la tâche, elle commence d’abord par commercialiser du riz paddy qu’elle cultive et commercialise à raison de 10000 francs CFA le sac de cent (100) kilogrammes. Très vite, elle se rend compte de la nécessité d’aller plus loin en relevant le défi de la transformation du riz pour faire des revenus plus conséquents. Ainsi, elle et les membres du Groupement d’Intérêt Économique (GIE) « Takku Liguey » de Khor constitué de 300 femmes décident de transformer le riz paddy qu’elles produisent.

« Nous avons commencé à transformer le riz que nous cultivons en 2013. Au début nous nous étions organisées en groupes et sous-groupes pour aller décortiquer le riz chez des prestataires privés. C’est plus tard que nous avons pu mettre sur pied notre propre unité de production. »

Grâce à cet investissement, leurs activités sont devenues rentables et elles parviennent à avoir assez de revenus pour subvenir aux besoins de leurs familles. « Avec ce que nous gagnons, nous participons activement à la prise en charge des dépenses au sein de nos foyers. Certaines d’entre nous ont  même pu acheter des chaises roulantes à leurs enfants handicapés.»  témoigne Khoury Gaye.

Cependant,  les agricultrices de Thiagar font face à de nombreux défis qui freinent parfois leur productivité. « Les principales difficultés auxquelles nous faisons face sont liées à la salinité des sols et le manque de moyens efficaces de drainage de l’eau. »  Cela réduit la superficie des terres arables dans une zone à fort potentiel agricole. « Nous cultivons 64 hectares pour une production de 5120 sacs de riz par an mais nous sommes capables de faire beaucoup plus si nous accédons à des terres arables. »

Grand aperçu de la rizière de Khoury Gaye, agricultrice et productrice de riz. crédit photo : Jean Baptiste DIOUF/ ONU Femmes / 2024
Grand aperçu de la rizière de Khoury Gaye, agricultrice et productrice de riz. crédit photo : Jean Baptiste DIOUF/ ONU Femmes / 2024.

Les conséquences de cette situation sont exacerbées chez les femmes dans un  Sénégal où sur 7 femmes, une seule environ a eu accès à la terre agricole durant la campagne agricole 2018-2019 soit 15,2% selon la Direction de l’Analyse et de la Prévention des Statistiques (DAPSA).

Actuellement, Khoury Gaye a l’opportunité d’exposer ses produits sur la plateforme digitale de vente Buy from Women développée par ONU Femmes pour permettre aux femmes d’accéder plus facilement au marché. « Je suis tellement heureuse d’avoir la possibilité d’exposer mes produits sur Buy from Women. Cette dernière va nous permettre de toucher des clients éloignés de nos zones de production pour leur faire connaitre et aimer le riz que nous commercialisons.» dit-elle.

En effet, Khoury Gaye est convaincue de la qualité du riz qu’elle commercialise : « Le riz que nous commercialisons est goûteux et excellent pour la santé. »  dit-elle. Très optimiste quant à la participation active des femmes dans l’atteinte de l’autosuffisance en riz au Sénégal, Khoury souhaite que plus d’opportunités soient octroyés aux jeunes de la région afin qu’ils puissent eux aussi s’accomplir au sein de leurs localités. « Je pense beaucoup à la relève car pour moi, l’objectif majeur est de contribuer au développement du pays. Ainsi, j’espère que la jeune génération bénéficiera d’un accompagnement approfondi en termes de formation et de financement afin qu’ils puissent eux aussi jouer leur partition. »

Cette histoire a été rédigée par Abdoulaye Mamadou SOUKOUNA, chargé de Communication et de Gestion des Connaissances à ONU Femmes Sénégal.