Les barrières socioculturelles, un frein à la promotion de l’entrepreneuriat féminin

Les barrières socioculturelles, un frein à la promotion de l’entrepreneuriat féminin 

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Des jeunes entrepreneures, fières de leurs produits à la Foire Internationale de Kinshasa. Photo © ONU Femme
Des entrepreneures, fières de leurs produits à la Foire Internationale de Kinshasa. Photo © ONU Femmes

Les femmes et les filles entrepreneures font face à plusieurs obstacles dans le monde des affaires en République Démocratique du Congo. Les barrières socioculturelles, notamment les mentalités traditionnelles, religieuses, sociales et culturelles freinent la promotion des droits des femmes et le rayonnement de leurs activités entrepreneuriales. Elles sont victimes de toutes les formes de violences et discriminations dans le monde entrepreneurial, partant de l’accès aux marchés du travail, à un emploi décent, aux opportunités et à l’autonomisation économique jusqu’à la création d’une entreprise. Elles sont elles-mêmes ignorantes des textes et lois juridiques favorables à l’entrepreneuriat féminin et parfois les autorités en charge de la protection et de la promotion des droits des femmes dans les services déconcentrés ignorent elles-mêmes l’existence de ces lois. Tous ces facteurs constituent des goulots d’étranglement à une plus forte inclusion du genre.

Après ce tableau sombre du contexte de l’entrepreneuriat des femmes, ONU Femmes a jugé bon de faire un état des lieux en termes des connaissances, attitudes et pratiques (CAP) sur les réformes et lois existant en rapport avec l’autonomisation des femmes dans le monde des affaires en RDC dans le cadre du Projet de réforme et de dissémination des textes de lois en faveur des femmes.

Une jeune entrepreneure, productrice de miel. Photo © ONU Femmes
Une jeune entrepreneure, productrice de miel. Photo © ONU Femmes

Cette étude menée dans les 4 villes de mise en œuvre du projet notamment Kinshasa, Lubumbashi, Matadi et Goma a touché 4816 personnes dont 2572 femmes et 2105 Hommes, 78 filles et 61 garçons.

L’analyse des connaissances des lois et textes juridiques en lien avec l’entrepreneuriat féminin fait ressortir plusieurs points d’attention qui explique le fait que l’entrepreneuriat féminin n’est pas développé dans presque toute la zone d’étude.

En ce qui concerne le niveau des connaissances du cadre légal par rapport à l'autonomisation des femmes, les résultats d’enquête montrent que 80% des entrepreneurs et 81,2% des ménages (hommes et femmes) affirment ne pas connaître les droits des femmes en matière d’autonomisation, en moyenne 90,7% des ménages (93,3% de femmes et 82,3% d’hommes) affirment ne pas connaître le nouveau code de la famille de 2016, une proportion faible des ménages enquêtés (6,85%) a déclaré avoir connaissance des lois en RDC qui encouragent les femmes à mener une activité commerciale. On note également une méconnaissance des sources d’informations des lois et textes juridiques. 90,4% des ménages n’ont aucune connaissance des services de promouvoir de l’entrepreneuriat féminin

Par rapport à la perception des hommes et des femmes, des garçons et des filles sur les droits socio-économiques des femmes, il faut noter que 45,2% des ménages ont une faible appréciation du respect accordé aux lois sur l’autonomisation de la femme en RDC soit par manque d’accès à l’information de qualité au niveau communautaire ou faible vulgarisation des lois et textes en lien avec l’entrepreneuriat féminin.

Quant aux comportements, discours et pratiques culturels en lien avec l'application des textes sur l'entrepreneuriat des femmes. L’étude a révélé de nombreuses expressions pour dévaloriser et déstabiliser les jeunes filles et femmes ou pour valoriser et acclamer les femmes entrepreneures. S’agissant du volet accès au financement, 88,27% des entrepreneurs disent n’avoir pas accès aux services de promotion de l’entrepreneuriat féminin. Il faut signaler que le faible intérêt de certaines femmes entrepreneures pour l’action des banques explique pourquoi une poignée de femmes entrepreneures ne connaissent pas les banques et établissements de microfinances installés dans leur commune.

Seulement 41,09% soit 39,31% des entreprises appartenant aux femmes sont formellement légalisés.

Par ailleurs, les gestionnaires d’entreprises font face à certaines contraintes socioculturelles qui sont liées soit à la famille, à la communauté et la maitrise du processus de développement d’une entreprise.

Des vendeuses, attentives à la sensibilisation sur les lois favorables à l'entrepreneuriat féminin  au marché de Zigida à Kinshasa. Photo © ONU Femmes/ Solange Nyamulisa
Des vendeuses, attentives à la sensibilisation sur les lois favorables à l'entrepreneuriat féminin au marché de Zigida à Kinshasa. Photo © ONU Femmes/ Solange Nyamulisa

Les goulots d’étranglement liés de la sensibilisation et la vulgarisation des textes et lois favorables à la promotion de l’égalité des sexes mentionnés par les entrepreneurs enquêtés sont l’insuffisance de financements pour la sensibilisation et la vulgarisation, l'absence de politique incitative de promotion sur l'égalité de sexe, la faible application des lois et textes juridiques, etc.

Les violences basées sur le genre en lien avec l’entrepreneuriat sont d’une part, les discours et paroles, et d’autre part, les actes et les pratiques. Certaines femmes sont exposées et souvent victime de viol, violences sexuelles, elles sont privées d’interdictions de certains époux/partenaires d’exercer une activité commerciale, des obligations socio domestiques, intimidations, kidnappings et des vols. D’autres sont victimes de discrimination dans le processus d’obtention de crédit.

Quelques constats et recommandations ont été formulés après l’analyse des comportements socioculturels en lien avec l’entrepreneuriat des femmes et leur insertion équitable dans la vie active en RDC. 

Par rapport au niveau de la connaissance de lois et textes juridiques, il a été recommandé de faire connaître les lois et textes juridiques en faveur de l’entrepreneuriat féminin à toutes les parties prenantes du secteur et orienter les populations vers les services et les faire bénéficier des actions de promotion de l’entrepreneuriat dans les zones cibles

Quant à la perception des hommes et des femmes, des garçons et des filles sur les droits socioéconomiques des femmes, il a été recommandé de rapprocher les perceptions des populations sur les lois et droits socio-économiques en lien avec l’entrepreneuriat féminin en RDC, de faire connaître l’importance de l’entrepreneuriat féminin aux populations cibles et expliquer l’importance de la femme autonome.

Concernant les discours et pratiques culturelles en lien avec l'application des textes sur l'entrepreneuriat des femmes, il a été suggéré de déconstruire les stéréotypes, images et expressions négatives associés à la femme entrepreneure, d’améliorer le niveau de scolarisation/alphabétisation des femmes entrepreneures, les accompagner à formaliser leur entreprise. Il faudrait par ailleurs, inciter les populations à accéder au service de promotion de l’entrepreneuriat féminin, réduire les obstacles culturels majeurs, à l’entrepreneuriat au sein des communautés, accroître la participation des femmes à la sensibilisation et l’accès des entrepreneures aux financements et enfin encourager les communautés à soutenir les entrepreneures

Par rapport aux contraintes socioculturelles vécues par les gestionnaires d'entreprises, les recommandations formulées sont entre autres, le renforcement des capacités des entrepreneures à la maîtrise du processus et des techniques de développement d’une entreprise durable, la formation des entrepreneures à concilier les charges familiales et les contraintes socio-professionnelles. Il a aussi été recommandé d’amener les femmes entrepreneures à participer aux prises de décision au sein de la famille et dans la communauté

Quelques pistes de solutions par rapport aux goulots d’étranglement de la sensibilisation et de la vulgarisation des textes et lois favorables à la promotion de l’égalité des sexes ont été proposées. Il s’agit notamment de sensibiliser et former les entrepreneures sur les sources et techniques de recherche d’informations en lien avec les activités entrepreneuriales et renforcer la sensibilisation des entrepreneures sur la promotion de l’égalité de sexes

En ce qui concerne les violences basées sur le genre en lien avec l’entrepreneuriat, il a été recommandé de lutter contre les pratiques discriminatoires basées sur le genre dans et hors des communautés

L’enquête CAP sur les comportements socioculturels en lien avec l’entreprenariat des femmes et leur insertion équitable dans la vie active intervient dans le cadre du Projet d’Appui au Développement des Micro, Petites et Moyennes Entreprises (PADMPME) dans sa composante « Amélioration de l’environnement des affaires », mis en œuvre par ONU Femmes.