Que faire face aux défis institutionnels rencontrés par les femmes congolaises dans le climat des affaires ?

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Les femmes entrepreneures à la sensibilisation à l'église St Marc de Kigansani. Photo © ONU Femmes/ Carlos Ngeleka
Les femmes entrepreneures à la sensibilisation à l'église St Marc de Kigansani. Photo © ONU Femmes/ Carlos Ngeleka

Il a été constaté un fossé entre les mécanismes juridiques et institutionnels existants favorables à l’environnement des affaires, et la réalité qui elle, est plutôt défavorable. ONU Femmes dans le cadre du projet de réforme et de dissémination des textes de lois en faveur des femmes a mené une étude sur des dispositions en faveur des femmes contenues dans la législation relative au climat des affaires en RDC afin de contribuer à l’amélioration de l’environnement des affaires des femmes.

L’objectif principal de cette étude était d’identifier les éléments pertinents du cadre juridique et institutionnel congolais ayant un impact direct ou indirect sur l’entreprenariat économique, en particulier, la création et la gestion des Micros, Petites et Moyennes Entreprises, l’accès aux financements, la fiscalité, la famille, le domaine foncier, le travail décent, etc., en vue de proposer des mesures adaptées tendant à améliorer le climat des affaires en RDC, en tenant compte des besoins spécifiques des femmes.

Pour atteindre cet objectif, une analyse a été menée sur une douzaine d’indicateurs relevés et une fouille documentaire d’une cinquantaine de textes légaux et règlementaires a été effectuée.

L’analyse documentaire a porté sur les secteurs à fort impact dans le climat des affaires en RDC. À titre indicatif, il s’agit entre autres des textes légaux et règlementaires relatifs à la constitution de la RDC, du code des impôts, couplés avec les textes internationaux et régionaux.

De l’analyse menée par rapport aux défis liés au genre dans le climat des affaires, il faudrait retenir que les femmes congolaises face à la législation sur le climat des affaires rencontrent plusieurs défis.

Genre et famille dans l’entrepreneuriat

En ce qui concerne la dimension genre, la famille et l'entrepreneuriat, la femme entrepreneure, en général, n'évolue pas sous le régime de l’autorisation maritale dans l'exercice de son activité. C’est dans certains cas spécifiques notamment, au moment d’un voyage avec les enfants ou lorsqu'il faut contracter un prêt à la banque ou dans une institution de microfinance ou de crédit que la femme mariée évolue sous le régime d'autorisation partant des contraintes culturelles et des croyances religieuses.

Employabilité des femmes

Les défis majeurs liés à l'employabilité et l’entrepreneuriat des femmes sont liés notamment au harcèlement sexuel, à l’image souvent négative de la femme entrepreneure et au manque d’information et de formation.

Entrepreneuriat féminin face aux VBG

Quant au climat des affaires face aux VSBG, le harcèlement sexuel est un défi majeur à l'entrepreneuriat féminin en RDC, les femmes se sentent dans l'incapacité de se défendre face à ce phénomène.

Des jeunes entrepreneures exposent les produits qu'elles fabriquent. Photo © ONU Femmes
Des jeunes entrepreneures exposent les produits qu'elles fabriquent. Photo © ONU Femmes

Entrepreneuriat féminin face au code des investissements

Concernant la dimension genre dans le code des investissements, les femmes entrepreneures n'ont pas connaissance du code des investissement ainsi que des avantages qui y sont relatifs. Les petites entreprises par exemple ne savent pas auprès de qui s'adresser pour solliciter les avantages du code d'investissement.

Accès au financement

S’agissant de la dimension genre dans les textes relatifs à l’accès au financement, les entrepreneures éprouvent des difficultés à accéder au financement à cause de taux d'intérêt élevés. On note aussi l'inadaptation de la technologie des produits au besoin spécifique des femmes entrepreneures.

Fiscalité

Par ailleurs, pour ce qui est de la dimension genre dans la fiscalité, parafiscalité, droits de douane et contributions patronales, il faut retenir la multiplicité des taxes et tracasseries quotidiennes des agents publics et l'inconsistance des taux de taxes. Ceci a comme conséquence l’incitation ou la prédisposition à la corruption et à la concision des agents publics.

Création et gestion des MPME

La dimension genre dans les textes relatifs à la création et la gestion des MPMEs, il a été révélé un manque d'information sur le processus de création des sociétés au Guichet Unique de création d’entreprises (GUCE). Les tracasseries administratives ainsi que la méconnaissance des textes et avantages de formalisation des entreprises créent la réticence à la création des entreprises. L’absence aussi du GUCE dans certaines villes du pays comme c’est le cas à Matadi favorise la réticence à la formalisation des Sociétés.

Exercice des activités économiques et commerciales

S’agissant de la dimension genre dans l’exercice des activités économiques et commerciales, on note les tracasseries administratives des agents publics et le non-encadrement des missions de contrôle. Il y a aussi la non-application des textes importants qui régissent le petit commerce.

Accès à la justice

De surcroit, la dimension genre dans les textes relatifs à l’accès à la justice est caractérisée par les frais de justice exorbitants et l’incertitude de l’issue judiciaire du dossier. On note également le traitement discriminatoire des dossiers par les magistrats en cas de justifiable femme non accompagnée d’un avocat.

Education

La dimension genre dans les textes relatifs à l’éducation est déterminée par le manque d'information et de formation sur l'entrepreneuriat et sur la gestion d'entreprise. Le faible niveau d'instruction en entrepreneuriat, employabilité et développement des compétences pratiques constitue également un frein. 

Accès à la propriété immobilière

Quant à la dimension genre dans les textes relatifs à l’accès à la propriété immobilière, la triste réalité est que les femmes rencontrent des difficultés à accéder à la propriété immobilière par le fait de succession et d’absence de prêt immobilier sans titre parcellaire.

Entrepreneuriat face au code minier révisé

En ce qui concerne la dimension genre dans le code minier révisé, les femmes n'ont pas connaissance des possibilités d'investissement dans le secteur minier. Il y a également l’absence des capitaux pour investir dans les mines. En effet, la majorité des femmes sont ignorantes des différentes réformes initiées par le gouvernement.

Produits fabriqués par les femmes entrepreneures congolaises. Photo © ONU Femmes
Produits fabriqués par les femmes entrepreneures congolaises. Photo © ONU Femmes

Les recommandations

Quelques politiques publiques ont été recommandées dans différents secteurs pour favoriser l’entrepreneuriat des femmes. Concernant la Création et la gestion des MPME, il a été recommandé entre autres, l’adoption de la loi sur les conditions d'exercice du petit commerce, de l’art et de l’artisanat par les Congolais en vue de veiller à la protection et à la promotion de l’expertise et des compétences nationales. La nouvelle loi va remplacer les actes réglementaires qui régissent le secteur à ce jour. Toujours dans le cadre de la création et la gestion des MPME, l’étude, a entre autres recommandé l'ouverture des antennes du Guichet unique sur l'ensemble du territoire national et permettre l'identification et l'enregistrement des entreprenants dans leurs centres d'intérêt et la vulgarisation des procédures simplifiées de création des entreprises.

Concernant le Genre et Famille dans l'entrepreneuriat, il a été recommandé de mettre en place des mesures consacrant la discrimination positive à l’égard des femmes. Pour ce qui est de l’employabilité des femmes, il faut vulgariser la suppression de l’autorisation maritale et faire la mise à jour des textes antérieurs à la réforme de 2016. En ce qui concerne l’exercice des activités commerciales, il faut l’application stricte de la loi sur le petit commerce et sur la sous-traitance et la mise en place des mécanismes de stabilisation des prix.

Par rapport à l’accès à la justice, il faudrait renforcer l'indépendance de la justice par la réforme du mode de recrutement des magistrats et l'institution d'une formation post-universitaire obligatoire.

Parmi les recommandations relatives à la fiscalité, il a été proposé de créer un Guichet Unique de paiement des impôts et taxes. Pour ce qui est de l’investissement, il faudrait vulgariser le code des investissements auprès des femmes et offrir des avantages particuliers pour les entreprises tenues par les femmes ou celles qui emploient plus 60% de personnel féminin.

L’étude a révélé l’existence d’un arsenal juridique impressionnant en matière du climat des affaires en général et de la prise en charge de la dimension genre au profit de la femme à travers l’élimination des différents textes dits discriminatoires selon les principes édictés par les Nations Unies. Malheureusement confronté aux réalités vécues par les femmes, cet arsenal s’est avéré en grande partie un vœu pieux. La femme reste limitée socialement sur la base des pratiques culturelles décriées et des stéréotypes ancrés dans les mémoires des populations. En outre, la femme est très attirée par le pragmatisme du secteur informel compte tenu de l’économie de survie qu’elle entreprend au quotidien sans aucun projet de croissance.

Néanmoins, l’étude a fait prendre conscience aux acteurs, que les femmes qui constituent la partie la plus importante de la population congolaise tendent à se développer dans les milieux urbains alors que celles qui évoluent en milieux ruraux continuent à être particulièrement affectées par les pesanteurs culturelles et les stéréotypes malheureux.

Selon les conclusions de cette étude, pour faire face aux obstacles rencontrés par les femmes congolaises face à la législation sur le climat des affaires, Il faudrait mettre en place des mesures spécifiques pour la vulgarisation des dispositions de loi contenues dans la législation sur le climat des affaires en RDC à travers la formation et l’information ainsi la mise à jour ou d’adoption de certains textes d’application.