Tida Sadio : « J’ai débuté avec 100 francs CFA d’investissement et aujourd’hui je suis propriétaire d’un restaurant et d’une Résidence hôtelière »
Sédhiou, Sénégal – A midi, le restaurant le plus prisé de la ville fait salle comble. Des serveuses habillées de polos rouges font des va-et-vient incessants pour servir les clients, tenant dans leurs mains des plats chauds dont l'arôme enivrant évoque un goût exquis, titillant les papilles gustatives des convives. Propriété de Tida Sadio, une entrepreneuse intrépide, le restaurant « Chez Madame Gano » est devenu une institution dans la région de Sédhiou, où en 2021, près de 27,9% des femmes étaient au chômage.
Tida Sadio, restauratrice et propriétaire d'une résidence hôtelière de 10 chambres, incarne la résilience et la réussite entrepreneuriale. Dès son plus jeune âge, Tida a embrassé l'entrepreneuriat. Elle confie : « J'ai toujours eu une passion pour la vente et la cuisine, c'est pourquoi j'ai choisi la restauration très tôt dans ma vie ». En 2004, très jeune, elle se lance en vendant des sandwichs au haricot « niébé » sur un petit étal devant sa maison familiale.
Les débuts ont été difficiles, ponctués de railleries, mais le soutien indéfectible de sa mère a été sa bouée de sauvetage. « Malgré les regards désapprobateurs sur mon choix de quitter l'école pour me consacrer à ma passion, ma mère a toujours été là pour moi », confie-t-elle. Grâce à un prêt de 30 000 francs CFA de sa mère, Tida a pu passer de la vente de sandwichs qu’elle a débuté avec un investissement de 100 francs à la préparation de plats chauds pour le déjeuner.
Tida avait de grandes ambitions. Elle a persuadé son père de lui céder une partie du terrain familial pour construire son propre restaurant. « Ce restaurant était la concrétisation de mes rêves. Enfin, j'avais un lieu où exprimer pleinement ma passion culinaire », se souvient-elle. Rapidement, « Chez Madame Gano » est devenu un pilier de la communauté, attirant une clientèle fidèle et les voyageurs d'affaires.
Au fil des échanges avec sa clientèle, Tida a identifié un besoin criant : le manque de logements pour les professionnels de passage à Sédhiou. « Beaucoup de mes clients devaient se loger à Kolda, une ville voisine, et faire la navette chaque jour pour assister à des ateliers professionnels », explique-t-elle. C'est ainsi qu'est née l'idée de construire une résidence hôtelière juste en face du restaurant, avec 10 chambres et une salle de conférence. « Je savais que la demande était là, car mes clients me suggéraient toujours d'ajouter des hébergements », dit-elle.
La résidence a connu un succès instantané, répondant aux besoins de la clientèle et permettant à Tida de diversifier ses activités et d'accroître ses profits. Elle offre aux voyageurs le confort nécessaire et affiche complet en permanence. Par ailleurs consciente du profil de sa clientèle, Tida décide d'approfondir ses connaissances en matière d'acquisition de marchés publics et privés.
Ainsi, en 2020, elle participe à un atelier de renforcement des capacités sur l'accès à la commande publique organisé par ONU Femmes Sénégal, dans le cadre du projet « Women Entrepreneurs Finance Initiative ». Elle dit : « Je propose un service traiteur et j’ai une salle de conférence au sein de l’hôtel et je savais que si je maitrise les techniques de soumission de candidatures je pourrais gagner beaucoup de marchés. ». Elle renchérit : « Grâce à cette formation, j’ai beaucoup évolué dans ma façon de soumissionner et je gagne beaucoup de marchés. Parfois je couvre jusqu’à quatre événements par jour. » Partie de rien, Tida emploie désormais une équipe permanente de 12 personnes au sein du restaurant et de la résidence. Son seul regret est d'avoir abandonné l'école très tôt, mais elle reste fière de son parcours et de l'impact qu'elle a dans sa communauté.
Le regard porté vers l'horizon, plongée dans ses souvenirs, elle conclut : "Avec du recul, je réalise que j'ai travaillé dur. Je suis partie de rien avec seulement 100 francs CFA, et aujourd'hui je suis propriétaire de ce restaurant et d'une grande résidence sans avoir eu recours à un prêt bancaire. Je suis fière de ce que j'ai accompli et je voudrais dire aux femmes de toujours faire preuve de détermination et de savoir qu'aucun travail n'est insignifiant."
Cette histoire a été rédigée par Abdoulaye Mamadou SOUKOUNA, chargé de communication et de gestion des connaissances à ONU Femmes Sénégal, abdoulaye.soukouna@unwomen.org.